Opern

http://musikzen.blogspot.com, 30. April 2010
Le rôle dévolu à l’orchestre contribue aussi à ce parallèle: il indique ce que les personnages ne peuvent pas montrer, il dit ce que les voix n’osent pas exprimer ; son discours est cryptique comme les livres de Nietzsche. L’orchestre est comme le dédoublement d’Elektra, dans une puissance qui la dépasse et en laquelle elle se reconnaît pourtant : « Si je n’entends pas cette musique, elle vient de moi ! » chante-t-elle. La production reprise par le Théâtre du Capitole, avec la magistrale direction d’Hartmut Haenchen et dans une mise en scène de son ancien directeur Nicolas Joël, honore cette interprétation de l’œuvre, elle la suggère. La transposition de la tragédie de Sophocle à l’époque de Strauss rend cet opéra presque élégant et montre les horreurs qui peuvent se cacher derrière une certaine beauté plastique. Susan Bullock est particulièrement convaincante dans son interprétation scénique et notamment sa gestuelle lors de sa « danse de mort » à la fin. Elle n’échappe pas à la difficulté d’ajuster sa voix à la puissance de l’orchestre, comme tous les autres chanteurs, mais elle convainc par la force tragique qu’elle invente à chaque étape de cette histoire de conjugicide et de matricide. La Halle aux grains, où sont donnés les spectacles du Capitole en cours de rénovation, contribue par sa disposition géographique à cette ressemblance nietzschéenne : le public s’y découvre partie prenante d’un chœur, d’où sortent tour à tour Oreste et Clytemnestre.
Katchi Sinna