News

10. December 2010

Paris: Johannes Brahms: Ein deutsches Requiem und andere Konzerte aus Paris

Hartmut Haenchen dirigierte in Paris das Orchestre National de France und das Orchestre de Paris sowie das Orchestre Philharmonique de Radio France Live Übertragung hier

Am 9. Dezember dirigierte Hartmut Haenchen Johannes Brahms: "Ein deutsches Requiem" und Joseph Haydn: Sinfonie Nr. 44 "Trauer". Das Konzert wurde live gesendet.
Die LIve-Übertragung ist noch bis 9. Januar 2011 unter diesem Link zu hören.

En direct du Théâtre des Champs-Elysées : Haydn, Brahms
Joseph Haydn
Symphonie en Mi mineur Hob.I:44
Johannes Brahms
Requiem allemand Op.45
Christiane Oelze, Soprano
Thomas Johannes Mayer, Baryton
Chœur de Radio France
Matthias Brauer, Chef de chœur
Orchestre National de France
Hartmut Haenchen, Direction


www.forumopera.com9.12.2010

A taille humaine

Remarqué à l’Opéra de Paris pour un Parsifal, une Lady Macbeth de Mzensk ou un Wozzeck qui ont laissé aux spectateurs présents le souvenir de grandes heures orchestrales, Hartmut Haenchen était de retour dans la capitale, cette fois au Théâtre des Champs-Elysées, et avec l’Orchestre National de France, dans un programme à l’austérité affichée et d’autant plus remarquable que les semaines précédant Noël se prêtent généralement à des concerts festifs; avec Haydn et Brahms, on plongeait ce soir au cœur d’un répertoire plutôt tourmenté.
Dans la 44e Symphonie de Haydn, surnommée « Funèbre » après que le compositeur eut émis le souhait de la faire jouer pour son enterrement, Haenchen affiche une constance rythmique, un équilibre formel, une fluidité naturelle qui marquent le spectateur habitué au travail plus vert, plus nerveux, plus sec parfois, effectué par les musiciens venus du monde du baroque. Pas vraiment de relecture philologique, ici (à moins qu’aujourd’hui, ce soit précisément ce type de version qui devienne relecture ?), mais un travail sur le son et sur les nuances simplement classique, à la spontanéité savamment maîtrisée. Comme dans ses Mozart publiés en DVD par Euroarts, le chef Allemand impose avec évidence, et sans aucun passéisme, un style apollinien, une optique sereine offrant à la musique son ton juste, sa libre respiration.
Cet Haydn élégant et mesuré présente aussi l’avantage, et là n’est pas sa moindre qualité, d’amener le plus naturellement du monde un Brahms là aussi poussé plus volontiers dans ses fondations classiques que vers ses prolongations postromantiques. Par culture, par tempérament, Hartmut Haenchen cherche avant tout à scruter les profondeurs de la partition, en évitant les coups d’éclat et les affects qui, rendant le Requiem Allemand extraverti, lui feraient perdre de sa lumière intérieure. Les toutes premières mesures du mouvement introductif (« Selig sind, die da Leid tragen ») donnent vite le ton d’une lecture où la modération intrinsèque des tempi n’empêche pas la musique de se mettre en mouvement et de trouver d’emblée une pulsation vitale (on voudrait presque parler de battement), une vibration organique qui ne se relâche jamais. Au risque de verser dans un raccourci un peu superficiel, on apprécie cette simplicité et cette humilité, ce refus de l’outrance et de l’effet facile dans une œuvre liturgique écrite (par le compositeur lui-même) d’après la bible luthérienne. Pas seulement parce que ces qualités sont censées caractériser au mieux l’idée que l’on se fait du protestantisme ; aussi et surtout parce que Brahms, dans son Requiem, parle des hommes qui restent davantage que de ceux qui partent, et qu’en s’éloignant du grandiose ou du sublime, Haenchen nous laisse entendre une œuvre dont l’authenticité et l’humanisme prennent racine chez les Lumières. Jamais ce Requiem à taille humaine n’aura été si peu « allemand » : en respectant sa juste dimension spirituelle, Hartmut Haenchen fait au contraire comprendre sa vocation universelle.
Il est en cela remarquablement secondé par les forces vocales de cette soirée. On avait déjà aimé les déchirures du Wotan de Thomas Johannes Mayer à l’Opéra Bastille en fin de saison dernière. Dans une partition moins pharaonique, et dans une salle à l’acoustique plus propice, le baryton allemand fait oublier encore plus facilement les duretés naturelles de son timbre pour narrer son texte avec ce mélange idéal de gravité et de bonhomie un peu bourrue, là encore pétri d’humanité. Naturellement plus angélique (mais au fond qui s’en plaindra ?), Christiane Oelze inscrit pleinement son « Ihr habt nun traurigkeit » dans la lignée de ceux que toutes les grandes mozartiennes nous ont offert. Le phrasé, le format, la substance même du timbre, au fruité presque jovial, tout est, là encore, parfaitement coordonné avec les choix du chef. Le Chœur de Radio France, admirablement préparé par Matthias Brauer, montre lui aussi un remarquable équilibre : puissant mais sans tonitruance, admirable de legato sans sacrifier la clarté de l’élocution, il confirme une fois de plus son excellente santé.
Clément Taillia

aus einer Rezension über ein anderes Konzert auf: http://palpatine42.free.fr:(et le pire, c'est que Haenchen dirigeait un super requiem allemand au TCE en même temps...)

Ebenfalls sein Konzert mit dem Orchestre de Paris ist noch a href="http://sites.radiofrance.fr/francemusique/em/concert-matin/emission.php?arch=1&d_id=410000712&e_id=80000054" target="_blank">hier im Radio zu hören:
Salle Pleyel : Martinu, Schnittke, Beethoven
Bohuslav Martinu
Lidice
Alfred Schnittke
Concerto pour alto
Ludwig van Beethoven
Symphonie N°5

Tabea Zimmermann, Alto
Orchestre de Paris
Hartmut Haenchen, Direction
Concert donné le 19 mai 2010, Salle Pleyel


http://www.concertclassic.com, 9.12.2010

Le répertoire germanique n’a plus de secret pour l’Orchestre National de France qui l’a pratiqué avec constance pendant le « règne » de Kurt Masur. Sous la direction de Hartmut Haenchen, chef lui aussi fortement ancré dans cette tradition, le programme proposé au Théâtre des Champs-Elysées et intitulé « Requiem allemand » plonge ses racines au plus profond de la musique d’outre-Rhin.

La Symphonie n° 44 « Funèbre » de Joseph Haydn tire son nom d’un troisième mouvement (Adagio) que le compositeur aurait souhaité voir exécuter pour ses funérailles. L’interprétation qu’en donne Haenchen s’inscrit dans une forme de classicisme très nuancé, une pureté de ligne dont la tension et le caractère « Sturm und Drang » de l’ouvrage souffrent quelque peu. Morceau de résistance, le Requiem allemand de Brahms appelle toutes les forces de l’Orchestre National, du Chœur de Radio France et de deux solistes. La direction exalte le caractère formel (beauté plastique, bel agencement, souci du détail, sens de la construction) mais laisse de côté l’émotion qui sourd tout au long de ce déchirement vécu par Brahms après la mort de sa mère en 1865.

Si la terreur et l’angoisse sont exprimées avec justesse, le recueillement comme le sentiment de l’urgence sont sacrifiés dans cette exécution très construite et au lyrisme contenu. Le baryton Thomas Johannes Mayer (le Wotan de La Walkyrie à la Bastille la saison dernière) joint à la maîtrise technique un engagement émotionnel qui tranche avec l’absence de séduction de la voix parfois forcée dans les aigus de la soprano Christiane Oelze. Préparés par Matthias Brauer, les Choeurs manifestent une santé vocale et une présence physique remarquables compensant, par le côté dramatique de leurs interventions, la justesse trop mesurée de Hartmut Haenchen, plus attaché à la raison qu’aux affects.
Michel Le Naour

http://lepetitconcertorialiste.blogspot.com

D'accord, homotone, ça n'existe pas. On dit homotonal. On dit aussi monotonal, quand ce sont la tonique et le mode qui sont uniques. La notion de monotonie est quant à elle curieuse. Comme fait de langage révélateur, elle renvoie à l'idée que ce qui se représente pas l'absence de changement est ennuyeux, que l'intérêt réside forcément dans la variété. Pourtant, la musique ne se nourrit pas des représentations des langues naturelles. Et dans ce cas précis en tout cas, il est clair qu'on ne peut assimiler les connotations entre elles. Si Haydn a persisté, contre l'évolution inexorable du traitement de la forme classique, à écrire fréquemment des œuvres sur un seul ton, voire sur une seule tonalité, c'est que son exceptionnelle inventivité dans le traitement des thèmes lui permettait de produire une tension liée à la rigidité du cadre harmonique. Et cette logique pose un sérieux problème à l'interprète, en augmentant mécaniquement la nécessité de trouver une tension dans la caractérisation des thèmes et des éléments rythmiques sans l'appui, dans l'oreille consciente ou non de l'auditeur, des changement de climats harmonique. Pour être schématique, la force et le son ne suffisent pas. C'est bien pour cela que la monotonalité s'est transformée en monotonie lorsque, à la tête d'un New York Philharmonic vainement luxueux, Alan Gilbert avait donné l'an passé l'un des plus incroyables festival d'ennui imaginable dans un autre monolithe de la période Sturm und Drang, la Funèbre. Hartmut Haenchen, qui déçoit très rarement, fait mieux que relever le niveau ici : il surprend très agréablement.
Comme Gilbert, Haenchen opte pour un son (presque) d'époque, avec effectif restreint, vibrato limité, et clavecin - ce dernier outrepassant largement, non sans réussite, le strict rôle de continuo. La comparaison s'arrête là. Certes, le quatuor du National manque de finesse de grain pour être d'une réelle distinction (les unissons du premier mouvement ne sont pas toujours évidents pour les violons en vis-à-vis, position toujours un peu en rodage). Mais ce qu'en tire Haenchen en unité d'intonation et de traitement rythmique est plus que convaincant. Les choses prennent une dimension encore nettement plus concentrées et bien finies dans les mouvements centraux. La plus grande réussite de cette interprétation est clairement le menuet (allegretto, canon in diapason, lointain parent de celui, extraordinaire, du quintette en ut mineur de Mozart) : dans sa déstabilisante seconde position, il sonne comme sans doute il se doit à la façon d'un premier mouvement lent, sans que pour autant le tempo n'y cède à une dramatisation artificiel : au contraire, Haechen parvient à conduire une avancée d'un bout à l'autre sévère, impitoyable. Pour ce qui devait (sur la mise en page de l'affiche et du programme en tout cas) être une gentillette mise en bouche... il était peu prévisible que ce serait là, de loin, la partie la plus passionnante et surtout pleine d'enjeux du concert.
Car pour quantités de raisons, on pouvait attendre davantage de Requiem Allemand. D'abord parce que la première partie avait largement dépassé les espérances que l'on pouvait en fonder. Ensuite parce que Haenchen déçoit très rarementet que l'éclectisme compétent n'est pas la moindre de ses qualités (on pourrait même penser que c'est la première, lui qu'on a vu naviguer ces dernières années entre Wagner, Beethoven, Martinu, Brahms, Strauss... et qui revenait tout juste d'Amsterdam où il dirigeait une nouvelle production de Die Soldaten ! On pouvait aussi attendre beaucoup, dans cet étalon choral quasi absolu qu'est le chef-d'œuvre sacré de Brahms, du Chœur de Radio-France, qui lui aussi déçoit très rarement, quelque soit la langue et le style. Dans le romantisme allemand, on l'a même entendu prendre une part très significative aux plus belles réalisations des concerts de Radio-France, à commencer par les oratorios de Mendelssohn donnés par Kurt Masur ces deux dernières années. Et n'avait-il pas déjà montré de belles choses dans le Deutsches Requiem il y a un an, malgré la direction bien peu tendue de Chung ? Malheureusement, Haenchen le met autant en difficulté que ce dernier, en adoptant des tempos la plupart du temps bien trop lents. Partout en fait, mis à part dans les III et VI, et cela reste relatif. Du coup, le choeur affiche une cohésion bien perfectible dès le Selig sind initial, en particulier au niveau des sopranos, qui nous ont habitué à infiniment mieux. Plus gênant, les choix de tempos posent des problèmes de logique structurelle, par exemple dans le poco sostenuto introduisant Der erloseten des Herrn ("Aber des Herrn Wort bliebet"), où Haenchen accélère presque par rapport au mouvement initial de la marche tant ce dernier était étale.
La différence avec Chung, c'est qu'ici une forme d'intensité un peu théâtrale est ajoutée, sans pour autant être de mauvais goût. On a un peu le cliché de cette partition selon Karajan, au mépris tant des indications que de l'esprit de stoïcisme protestant qui devrait dominer, et même s'il est difficile de soupçonner Haenchen de complaisance tragique, il est difficile de croire à un Requiem Allemand dont la tension repose uniquement sur des effets de masses et de dynamiques extrêmes - aussi réussis soient-ils. Aussi peu idiomatiques sont les solistes. Hans Johannes Mayer est un wagnerien reconnu qui semble recherché précisément cette reconnaissance en se présentant comme une sorte de Wotan bien extérieur - on aurait au moins préféré Marke. La voix est solide et cohérente, la diction maîtrisée, et finalement cette vision là encore théatrale s'intègre assez bien au tout, sans toutefois parvenir à franchement terroriser ou émouvoir. Son "lehre doch mich" a quelque chose d'excessivement doloriste, quoique certainement sincère. En revanche, il ne parvient guère à trouver le supplément d'ame et de tension durant la progression de "un das selbige ploztlich...". Le cas de Christiane Oelze, même s'il ne concerne qu'un numéro, est autrement plus problématique, et la déception est ici immense : c'est simple, j'ai été abasourdi par son Ihr habt nun Traurigkeit. J'ai eu l'impression très nette d'écouter une autre musique, bien que les notes, parfois difficiles, aient été les mêmes ; on ne peut plus vraiment parler de théâtralité ici. Il faudrait inventer un terme plus radical pour décrire cet investissement outré de la partition, cette manière incroyablement chargée de phraser les croches, dont je ne saurais dire si elle tend son Brahms vers le bel canto ou vers un Strauss d'un gout douteux. Les reprises de "Ihr habt..." avec les violons (m. 57-58) sont un sommet de complaisance sucrée, qui confine au surréalisme dans ce contexte, d'autant que la voix manque sérieusement de la légèreté indispensable ici - dans le genre exotique, j'avais mille fois préféré Nathalie Dessay ici, qui se contenait de poser son timbre diaphane et de faire les notes avec une forme d'innocence beaucoup plus défendable.
Difficile, pour ce seul n°5, de repartir avec quelques bonnes choses dans l'oreille, d'autant que l'on aura en plus affaire à un National assez routinier et imprécis ce soir. Il y en a eu pourtant, pour briser cette franche monotonie, autrement que par les accidents de casting. La sublime fugue du III sur "Der gerechten Seelen sind in Gotes Hand" aura reçu un traitement clair et vigoureux de la part du chœur avec des violons à peu près à la hauteur et un tempo pour une fois tenable. Forcément magnifique étant donné le niveau sidérant de la musique ici - c'est pour moi une des plus grandes jamais composées. Mais trop mince pour sauver ce requiem bien peu dédié aux vivants et plutôt complaisamment lugubre ou sentimental.
Théo Bélaud
ZURÜCK