Opera

http://spectacles.premiere.fr, 20. September 2009
La critique de la rédaction
Sous un nom qui claque comme un ordre prussien, Georg Büchner compose à la fin de sa courte vie un chef-d’œuvre inachevé : des fragments de la vie d’un pauvre soldat que la misère matérielle et morale font basculer dans la tragédie. Un siècle plus tard, en 1922, le viennois Alban Berg se passionne pour la pièce et décide, courageusement, d’en faire un opéra, recréant le cauchemar halluciné du héros. On peut dire que dans cette production mise en scène par Christoph Marthaler, l’opéra de Berg, servi par des interprètes de premier rang, en ressort magnifié. Tout se passe de nos jours, dans une immense cafétéria aux couleurs acidulées, entourée par des aires de jeux pour enfants. C’est là que travaille Wozzeck, homme à tout faire, coincé entre un capitaine qui ordonne et un médecin dont il est le cobaye. Les enfants courent, des jeunes gens boivent et chantent. Vincent Le Texier, qui interprète le héros, est absolument déchirant. Voix chaude de baryton-basse, haute stature, il allie une parfaite maîtrise de la partition et un jeu habité par le désespoir, le dépit et la folie. Face à lui, la soprano wagnérienne Waltraud Meier, qui incarne Marie, enflamme le plateau de sa voix brûlante et par un jeu totalement moderne. Ces deux-là, avec l’orchestre dirigé formidablement par Hartmut Haenchen, font de cette production idéale un moment de pur bonheur.

Hélène Kuttner