Kalender

17. Juni 2012 · Toulouse, Théâtre du Capitole, 15.00 Uhr

Richard Wagner: Tannhäuser (Wiener Fassung 1875)

Regie: Christian Rizzo; Orchestre national du Capitole; Choeur du Capitole (Alfonso Caiani)
Hermann: Christof Fischesser; Tannhäuser: Peter Seiffert; Wolfram von Eschenbach: Lucas Meachem; Walter von der Vogelweide: Maxim Paster; Biterolf: Andreas Bauer; Heinrich der Schreiber: Paul Kaufmann; Reinmar von Zweter: Richard Wiegold; Elisabeth: Petra Maria Schnitzer; Venus:Jeanne-Michèle Charbonnet; Ein junger Hirt: Anna Schöck

Premiere

Pressestimmen

The opera season at the Capitole comes to an end, as Italians would say, in bellezza. If Rameau’s Les Indes Galantes was a real feast for the eyes, Tannhäuser was one for the ears. Both performances were anchored in great performances in the pit of the theater. After a few erratic years Toulouse has recovered its old splendor and today it can be considered the leading opera house in France after its capital.
For this Tannhäuser the Capitole has commissioned a new production from Christian Rizzo who comes from the world of dance. The sets were minimalist, with the first act set on an empty stage; the singing contest in the second act in a big marble hall with pillars. The last act returns to a bare stage, except for a large stone where Elizabeth prays for her beloved Tannhäuser. Most outré are the complicated costumes and strange wigs which were not to my liking. Performed in the so-called Vienna version of 1875, this Tannhäuser included the ballet, although not a particularly attractive choreography. The action takes place in a timeless atmosphere and Christian Rizzo’s direction of his actors does not go beyond tradition, aided by very experienced singers.
Hartmut Haenchen was simply superb on the podium. I have recently enjoyed his interpretations of Salome (Covent Garden) and Lady Macbeth from Mtsenk (Teatro Real, S&H review here), but his Tannhäuser topped that. Indeed, it was one of the best in musical terms that I have witnessed live. Right from the overture it was clear that we were going to attend a great performance. Mr. Haenchen was also immensely careful with the voices on stage, which were never covered by the orchestra. The orchestra was in top form and delivered one the best performances I can remember hearing in Toulouse. The large chorus played along by being excellent, too. ...
José M. Irurzun
www.seenandheard-international.com · 01. Juli 2012
...Un peu plus de bonheur du côté de la fosse, bien que certains pupitres y manquent parfois de discipline. D'un geste à la fois ample et allant, toujours attentif aux équilibres, Hartmut Haenchen donne une lecture épanouie, dessinant sans aucune baisse de régime la vaste architecture des trois actes, jusqu'à l'apothéose finale.Emmanuel Dupuy
Diapason · 01. Juli 2012
Tannhäuser ou le tournoi des chanteurs au Capitole de Toulouse

Si l’histoire de Tannhäuser est celle d’un miracle chrétien, les représentations de l’opéra de Wagner au Théâtre du Capitole de Toulouse ont tenu du miracle musical. Avant même la levée du rideau, dès les premiers accords, le spectateur, plongé dans l’obscurité de la salle, reste subjugué par la direction incandescente d’Hartmut Haenchen, aussi bien par les braises des pianissimi que par le romantisme fiévreux des forte.
L’ouverture en elle-même fut un chef d’œuvre de sensibilité et de raffinement : le thème des pèlerins est d’abord exposé aux cuivres dans un piano suave ; toutes les phrases y sont tuilées pour faire de cette exposition ce qu’elle est dans son essence, un choral mystique. Puis l’orchestre se gonfle d’un formidable crescendo pour reprendre le thème. Finit le choral, nous avons la fièvre, la passion alors que les cuivres détachent le thème pour mieux le faire entendre aux dessus de la mer des cordes déchaînées. Là est le grand talent de ce chef : savoir donner autant de vigueur, d’exaltation à sa partition, tout en soignant les nuances et les timbres. Il n’est que d’entendre les bois lors du prélude du troisième acte, particulièrement mis en valeur par la direction. Les thèmes de l’ouverture s’enchaînent et fondent, toujours avec clarté et passion. Jamais l’orchestre ne sombrera dans la neutralité ou le décoratif, jusque dans l’intervention sur scène des douze cors au premier acte, de douze trompettes et quatre trombones au deuxième ou de nombreux bois disposés sur les premières loges du public lors du troisième. Hartmut Haenchen s’est à l’évidence penché sur tous les raffinements d’une partition où Wagner allie encore le bel canto à sa nouvelle esthétique, travaillant chaque couleur, chaque intention musicale. Le chef fait toujours de l’orchestre un acteur, un catalyseur d’émotion et de vie. Ce souffle aura, à l’évidence, inspiré toute la production.
Le rideau s’ouvre alors sur une scène sombre et vide. Des danseurs s’ébattent au sol, magnifiant la chair et le contact des corps au royaume de Vénus. Le metteur en scène Christian Rizzo visait dans son travail l’abstraction et le minimalisme : il y a réussi. La scène des premier et deuxième actes reste ainsi vide, laissant le passage au chœur des pèlerins et tout l’espace nécessaire à la solitude des héros. Le mérite d’une telle mise en scène est de ne gêner en rien la musique et le drame, ainsi que de ne pas encombrer un livret, déjà trop riche de sens, d’une multitude de détails ou d’interprétations toujours discutables. Reste cependant une impression de vide, de froid et même de silence, où la rêverie du spectateur et le merveilleux n’ont guère leur place. Le deuxième acte dans la salle des chanteurs de la Wartburg montre un grand lieu de marbre gris aux hautes colonnes carrées dont le froideur évoque le parlais des réceptions de Rome de l’architecte rationaliste Adalberto Libera. Seule l’entrée du chœur, habillé des costumes les plus divers et extravagants, offre opportunément un peu d’excentricité et de gaité à la scène.

Le chœur du Capitole fut justement somptueux, à la fois par sa puissance, sa couleur et ses nuances. On est toujours ému par le chant des pèlerins, mais le chœur « Freudig begrüssen wir die elde Halle » du second acte aura été la démonstration de la qualité de ce chœur et du talent de ses membres. Le son est magnifique d’homogénéité. Tout y est rond, beau. On distingue pourtant avec plaisir la brillance des ténors, les graves des basses, les aigus toujours couverts et éclatants des sopranes. Le spectateur reste ébahi de tant de musicalité. Le chœur final de l’opéra produira la même fascination sur le public par sa puissance expressive et la beauté des voix. Pour s’en convaincre, il n’est qu’à se souvenir du silence inhabituellement long qui précéda le tonnerre des applaudissements.
Les solistes, venus saluer la salle après la tombée du rideau, ont reçu des acclamations enthousiastes. C’est que la distribution toulousaine fut d’une qualité exceptionnelle. Peter Seiffert est un Tannhäuser exceptionnel : il est difficile d’imaginer qu’un ténor puisse affronter dès le premier acte autant d’aigus et de phrases interminables sans jamais faillir, avec un soutien démesuré, un timbre toujours parfait, à la fois profond et brillant, une voix exceptionnellement puissante et à la projection redoutable, mais toujours capable de nuances sensibles et délicates ou de notes filées. Que de délicatesse dans son duo « Gepriesen sei die Stunde » du deuxième acte, que de passion dans sa réplique « Dir, Göttin der Liebe, soll mein Lied ertönen ! » et enfin, que d’expressivité dramatique dans l’air surhumain « Inbrunst im Herzon, wie kein büsser noch » du troisième acte ! Peter Seiffert aura incarné merveilleusement le parangon du ténor héroïque.

Petra Maria Schnitzer a de même été une Elisabeth remarquable. Très loin de la caricature répandue de la soprane wagnérienne, furieuse et hurlante, elle fut digne d’une princesse, toute en nuance et délicatesse. Le timbre est homogène, pur, les aigus toujours couverts. L’interprétation se nourrit du belcantisme finissant de Wagner par un phrasé élégant, toujours nuancé et délicat. Même l’air ouvrant le second acte, « Dich, teure Halle », fut remarquable de légèreté et d’élégance, malgré quelques aigus un peu difficiles. Quant au « Allmächt’ge Jungfrau » du troisième acte, il fut un des sommets d’expressivité et d’émotion de la représentation.

Lucas Meachem fut un superbe Wolfram, sachant exploiter les ressorts belcantistes de ce rôle par un phrasé élégant et riche en nuances. Ses interventions du second acte « Blick’ich umher in diesem edlen Kreise » et « O Himmel, lass dich jetzt erflehen » furent à ce titre exemplaires d’élégance et de subtilité. La romance aux étoiles fut moins séduisante, du fait d’une tenue de la ligne mélodique un peu courte et d’une absence de forte-piano concluant la montée chromatique finale. C’est que la voix du baryton n’a pas la puissance et la profondeur habituelle des chanteurs wagnériens, mais, par son chant humain et inspiré, Lucas Meachem a su à merveille incarner le chevalier-poète avec virilité et dignité.
Jeanne-Michèle Charbonnet s’est essayée au terrible rôle de Vénus. L’engagement vocal de la soprano est total et parvient à rivaliser sur scène avec Tannhäuser. Mais à quel prix ? Les aigus sont souvent tirés, le chant agressif, le vibrato prononcé. Si la fureur de la séparation était là, la déesse voluptueuse de l’amour qui tente de charmer le héros n’a pas réussi à convaincre le public. A l’inverse, Christof Fischesser aura campé un Hermann remarqué par la richesse de son timbre, un phrasé sobre mais élégant et des graves retentissants.

On le constate, la distribution de ce Tannhäuser fut à plus d’un titre exceptionnelle au point de laisser au public l’impression d’une mise en abîme où les chanteurs sur scène concourraient eux-mêmes à un tournoi de maîtres chanteurs, rivalisant de leurs plus belles voix pour le ravissement du public toulousain.
Jean-Charles Jobart
http://classiqueinfo.com · 29. Juni 2012
Tannhäuser, entre terre et ciel

L'esprit de Wagner servi par une magnifique exécution musicale.


Il est bien difficile aux jours d'aujourd'hui de croire à une histoire dans laquelle le héros est banni par ses amis pour avoir fait un peu d'escalade sur le mont de Vénus. Or, c'est bien ce qui arrive à ce pauvre Tannhäuser, chassé du château de la Wartburg pour avoir fréquenté le Venusberg, et fricoté avec la Déesse. Trois actes, assez longs, pour assister à la victoire de l'austérité mystique chrétienne sur l'ivresse charnelle païenne, il n'y a plus qu'à l'opéra qu'on le voit.

Mais avec la poésie, tout est possible. C'est Baudelaire qui, en France, a été le premier à souligner la puissance poétique et symbolique de Tannhäuser, où se joue «la lutte des deux principes qui ont choisi le cœur humain pour champ de bataille, c'est-à-dire de la chair avec l'esprit, de l'enfer avec le ciel, de Satan avec Dieu.» Et ce combat du principe spirituel contre le principe matériel nous rappelle l'époque où se tenaient en Occitanie des cours d'amour, et où s'y développait la foi cathare.

Parsifal et Trencavel

Le lien est d'autant plus naturel que l'un des personnages importants de Tannhaüser est Wolfram von Eschenbach, le troubadour allemand auteur de Parzival, dont Wagner fera plus tard son Parsifal, ce chevalier du Graal qu'Otto Rahn, fondateur du romantisme cathare - avant que celui-ci ne soit dévoyé par les fumisteries ésotériques, puis récupéré par le commerce touristique – identifie, dans La Croisade contre le Graal, à la figure historique de Ramon-Roger Trencavel, vicomte de Béziers et de Carcassonne, l'un des premiers martyrs de la guerre sainte menée contre le Midi. Nous voici donc transportés dans le domaine de l'Idée, par l'effet du charme, au sens magique du terme, qu'opère la musique, et que l'orchestre et le chœur du Capitole, commandés par le chef Hartmut Haenchen, servent à la perfection. L'ouverture et la bacchanale, l'explosion sonore de la marche du concours de chant, le sombre et fabuleux prélude du troisième acte sont autant d'occasions d'apprécier la wagnérophilie des phalanges toulousaines.

Dans le rôle terrible de Tannhäuser, qui a inauguré le registre spécifique du Heldentenor et qui en est peut-être l'exemple le plus ardu, Peter Seiffert, l'un des meilleurs spécialistes actuels, alterne sans défaillance l'insolence du plaisir terrestre et la profondeur douloureuse du repentir.

Petra Maria Schnitzer est une Elisabeth douce et chaste, rayonnante dans son air d'entrée – encore imprégné des échos du Freischütz –, fiévreuse et désespérée dans sa prière du dernier acte. Sa rivale, son contraire, Vénus elle-même, championne de l'amour charnel, c'est Jeanne-Michel Charbonnet, enflammée, presque incendiaire, malgré l'éteignoir de la scénographie. Le Landgrave Hermann est remarquablement campé par Christof Fischesser, voix et chant superbes, et Lucas Meachem est un Wolfram magnifique, distingué, sensible, menant sa romance à l'étoile vers les hautes sphères de l'émotion. Les seconds rôles sont en tous points parfaits, eux aussi.

Le triomphe de la musique

C'est la mise en scène qui tente, sans y parvenir vraiment, de compromettre cette beauté. Il faut y voir sans doute un aspect du combat des forces d'en bas contre l'idéal artistique. En guise d'orgie mythologique, sur un plan incliné glacial comme un linoléum, quelques couples, court-vêtus mais bien peu sexy, se trémoussent sans conviction, dans de sages et tristes alignements. Jamais mont de Vénus ne fut si plat, et on souffre pour la Déesse, qui évolue, sans le moindre mystère, dans une prosaïque déambulation au ras du sol (au troisième acte, elle sortira de terre au moyen d'un petit élévateur qui ne la mènera pas bien haut). Les rares décors sont laids, d'une fade laideur, les éclairages sont fades, d'une laide fadeur, l'imagination est en berne et la direction d'acteurs en grève. Les costumes sont d'un ridicule soigné et, seule mais insistante inspiration, de petites loupiotes tremblantes, façon vélib, accompagnent les pèlerins et enferment dans un cercle de lumière maigrelette les corps enfin réunis d'Elisabeth et de Tannhäuser. Oui, vraiment, il faut que la musique soit grande et forte pour triompher.
Laurent de Caunes
L'Opinion Independente · 29. Juni 2012
À son futur metteur-en-scène, Tannhäuser glisse toujours entre mes doigts. À peine le premier acte, une sorte de précis de la théorie arthurienne, est-il fini, que l’ouvrage dérive vers une réflexion (concours de poésie lyrique à l’appui) sur le créateur artiste, puis s’achève sur le dépassement de la dialectique entre eros et agapè. Tannhäuser se lit comme la matrice globale, comme le noyau intégral de toute la production wagnérienne à venir. De Lohengrin à Parsifal, tout y est, à peine éclos : des portraits de l’homme en perpétuel et désespéré Wanderer ; la capacité du pur amour à rédimer les fautes humaines ; la place éminente (c’est-à-dire : politique) de l’artiste dans le corps social ; ou la mémoire qui affranchit l’être humain à mesure que le fil en est déroulé. Autrement dit, assister à une représentation de Tannhäuser impatiente son spectateur tant les instables matériaux thématiques (littéraires, dramaturgiques et musicaux) surabondent et sont impossibles à tenir en une seule main et en un seul regard. Pour corser le tout, notre époque, avec son décillement progressif sur cette longue plage de l’Occident qui se tient entre l’empire romain et la Renaissance, perçoit le Moyen-Âge comme un filtre (et non comme un philtre !) rétensif, voire ridicule.

Dans le spectacle vivant actuel, Christian Rizzo est une personnalité singulière. Son cheminement l’a conduit de la pratique musicale (le rock) et du dessin de vêtements des arts plastiques et de la photographie, à la mise-en-scène de spectacles. Du côté chorégraphique, sa plus récente réalisation, le bouleversant ballet Le bénéfice du doute, qui, présenté il y a quelques mois au Théâtre de la Ville à Paris, interrogeait la force de vie : des silhouettes humaines vestimentaires sur cintres avaient, in fine, plus de vie que les danseurs qui les manipulaient. Et une première – et ô combien réussie – expérience lyrique, en mars 2011, à l’invitation du Théâtre du Capitole avec une triade de monodrames qui peignent des destins de femmes (Erwartung, Pierrot Lunaire et La voix humaine).

Manifestement, Christian Rizzo a respecté le foisonnement de matériaux qui caractérise Tannhäuser et s’est refusé à agripper les perches trop convenues qui font écran entre l’œuvre et ses lecteurs, telles la ferblanterie médiévale et le culte exclusif du héros. Au démonstratif qui rassasie en quelques minutes, il a préféré l’implicite d’une œuvre qui exige de la souplesse et du temps pour exhaler ses multiples mais peu cohérents parfums et pour traverser, lentement, le spectateur, presque à son insu. D’où une production assez distante ; sa passivité, juste superficielle, fourmille de micro-tensions, de furtifs changements de perspective. Aussi la scénographie offre-t-elle une apparence – un cérémoniel marbre gris – et alterne un plateau nu (aux actes I et III) et un espace creusé de différents niveaux à la façon des perspectives d’Escher. Peu interventionniste en ses signes extérieurs, la direction d’acteurs travaille intelligemment l’espace et, à la façon dont, jadis, au Festival d’Aix, Claude Régy avait monté et écouté Les carnets d’un disparu de Janaček, magnifie le geste vocal et fait une infinie confiance aux chanteurs. Les costumes sont à l’unisson, perpétuellement décalés par rapport à chaque silhouette (une autre façon d’être à côté de soi) : neutres pour les personnages principaux, sauf Vénus dont la chatoyance vestimentaire répond au seul personnage que le désir brûle uniment ; et, à l’acte II, histrioniques pour les chanteurs du chœur, tels ces shows de mode qui, il y a une décennie, avaient nourri les premiers travaux chorégraphiques de Christian Rizzo.

En écho à ce passionnant travail scénique, le plateau a été tout de puissante tenue, surtout du côté masculin. D’une (mise en) scène à l’autre, Peter Seiffert promène son propre Tannhäuser. Avec son inaltérable quinte aiguë qui sait se faire tranchante comme le métal, il apporte, à l’idée de Heldentenor, une allure juvénile et sauvage, qui la rapproche moins de Siegmund que de Siegfried, préférant l’instinct emporté et insolent à de profonds élans de la pensée et du cœur. Ce chanteur est toujours aussi captivant et, à certains moments (notamment le « retour de Rome »), atteint à une ubris renversante. À ses côtés, Lucas Meachem est un Wolfram de premier ordre, alliant timbre très dense à la pensée et à l’exercice du Lied. Signalons également Christof Fischesser (son Hermann qui tend plus vers l’autorité de Pizzaro que vers l’humanisme de Rocco) et Maxim Paster (un Walter von der Vogelweide particulièrement intelligent, à la façon de Mime et de Loge). Le couple féminin a été un peu plus en retrait : en dépit d’un chant assez noble, Petra-Maria Schnitzer (Elisabeth) en est restée à un chant assez noble et à un engagement mesuré ; à l’exact opposé de Jeanne-Michèle Charbonnet (Vénus) qui joue trop exclusivement la carte d’un eros extraverti, au détriment d’un personnage plus complexe.

Dans l’ensemble de prestation, le Chœur du Capitole a été plus que valeureux, à côté d’un Orchestre national du Capitole dense et beau, malgré d’inhabituels (et légers) écarts de concentration, dans l’intonation comme dans la vigueur des articulations. Ayant choisi la version dite « de Vienne » (à savoir la plus exhaustive), Hartmut Haenchen connaît cet opéra sur le bout des doigts et en maîtrise impeccablement le parcours énergétique. Lui demeure toutefois un péché-mignon : à force de vouloir symphoniser les ouvrages qu’il dirige (à l’Opéra national de Paris, il en alla de même avec Lady Macbeth de Mzensk puis avec Wozzeck), il oppresse trop souvent ses chanteurs et sature l’espace acoustique des salles où il dirige.

Grâce à (et malgré) la pertinence de Christian Rizzo, Tannhäuser s’échine à demeurer une énigme. Peut-il en être autrement : non, sans doute …
www.resmusica.com · 28. Juni 2012
Le chorégraphe plasticien Christian Rizzo signe une nouvelle mise en scène d'une grande intensité de l'opéra romantique de Richard Wagner "Tannhäuser" pour le Théâtre du Capitole, avec une distribution éclatante sous la direction du chef allemand Hartmut Haenchen....
La direction musicale de Hartmut Haenchen donne quant à elle toute son ampleur à la musique de Wagner, un compositeur qu'il connaît bien pour avoir déjà dirigé plusieurs ouvrages du maître, et enregistré une interprétation du "Ring" qui a rencontré beaucoup de succès.
AFP · 26. Juni 2012
"Tannhäuser" musical et vocal au Théâtre du Capitole

Au Théâtre du Capitole, l'opéra de Wagner est servi par un plateau vocal de très haut vol et la direction musicale superlative du chef allemand Hartmut Haenchen. Le public leur réserve un triomphe à chaque représentation. À voir encore ce soir et vendredi.

L'accueil triomphal réservé à Peter Seiffert à l'issue de chaque représentation témoigne de l'impact produit sur le public par cette voix héroïque, familière des personnages des opéras de Richard Wagner. Le ténor allemand, qui fréquente régulièrement le rôle-titre de « Tannhäuser » (il l'incarnait encore cette saison à l'Opéra de Vienne), est sans doute l'un des rares aujourd'hui à terminer le récit de Rome en pleine possession de ses moyens vocaux. Et cela à Toulouse dans des conditions éprouvantes : la climatisation du Théâtre du Capitole ne fonctionne pas. Dans la salle, le public s'étonne, utilise programmes ou éventails pour trouver un peu d'air. Sur scène, les artistes réussissent à assumer sans faiblesse (et avec des costumes peu légers) leurs rôles souvent écrasants. Chez Peter Seiffert, la puissance des notes aiguës est phénoménale. Le souci apporté aux mots et à l'incarnation dramatique de son personnage sont ceux d'un artiste complet. De surcroît, le ténor n'éprouve visiblement aucune difficulté à lutter avec un Orchestre du Capitole très nombreux (plus de 120 musiciens), mené par la baguette d'Hartmut Haenchen. Autour de lui, le baryton américain Lucas Meachem, Wolfram, est lui aussi longuement acclamé. Les couleurs du timbre, l'intelligence du chant, la musicalité de la ligne, l'émotion qui accompagne la fameuse Romance à l'étoile : tout est du meilleur chez cet artiste. On aime également la belle basse Christof Fischesser, interprète d'Hermann, l'excellent ténor Maxim Paster, Walther. En Élisabeth, l'un de ses rôles de prédilection, la soprano Petra Maria Schnitzer sait rendre sensible les diverses facettes de son personnage, grâce à une technique vocale de haut vol. Les aigus son amples et contrôlés, les inflexions très subtiles, la ligne toujours musicale. La Vénus de Jeanne-Michèle Charbonnet est très engagée dramatiquement mais un peu moins sûre vocalement.

HARTMUT HAENCHEN PORTE LE SPECTACLE
La direction musicale d'Hartmut Haenchen est l'autre point fort de la nouvelle production de l'opéra de Wagner. Le chef d'orchestre allemand, qui a choisi de conduire la version de Vienne (la plus complète), porte une attention permanente au plateau. Sous sa baguette, chanteurs et instruments (l'Orchestre du Capitole est magnifique de son, de précision et de tension dramatique) semblent d'exprimer d'une même voix. Côté mise en scène, le chorégraphe Christian Rizzo ne cherche pas à imposer une vision philosophique ou politique de « Tannhäuser ». Dans un décor presque vide, totalement hors du temps, il privilégie la mise en espace des scènes, laissant les interprètes livrés à eux-mêmes et les choristes (excellents) défiler mollement, les danseurs de la bacchanale évoluer sans sensualité. Tout est ici porté par la musique.
Anne-Marie Chouchan
La Depeche · 26. Juni 2012
Même si l’écoute est comblée par l’énergie inspirée de Hartmut Haenchen à la tête de l’Orchestre National du Capitole et par quelques unes des meilleures voix mâles wagnériennes d’aujourd’hui, ce qui est à voir est affligeant.
... Hartmut Haenchen, straussien et wagnérien met l’excellent Orchestre national du Capitole en état d’incandescence. Dans la fosse, sur scène parfois pour les cuivres, dans les balcons latéraux pour la harpe et les bois, les cent vingt instrumentistes, tout comme les chœurs renforcés pour l’occasion, font respirer large cette musique qui sent la montagne et la mer.
A écouter les yeux fermés.
Caroline Alexander
www.webthea.com · 26. Juni 2012
...Hartmut Haenchen se confirme un grand wagnérien, exaltant le lyrisme et la puissance de l'Orchestre et du Chœur du Capitole.
Christian Merlin
Le Figaro · 26. Juni 2012
L'Ouverture est très connue et très apprécée en pièce de concert dans la forme fermée agrée par l'auteur. Les infimes nuances des bois, la subtilité des phrasés, l'ampleur du crescendo ont été superbement rendus á leur romantisme par la direction inouïe d'Hartmut Haenchen et les superbes instrumentistes de l'Orchestre du Capitole. L'émotion n'a fait que gagner avec les magiques interventions des chœurs en coulisses et les ballets du monde de Vénus.
Des les premiers accords si reconnaissables de l'ouverture l'allant du tempo a stimulé l'écoute. C'est en effect cette juste adaptation du tempo á la jeunesse de l'auteur qui a fait le prix de cette admirable direction musicale qui n'a jamais cherché à faire du son lourd, respectant le caractère expérimental de la partition, à cheval entre l'ancien monde de l'opéra Mozartien et Weberien, voir belcantiste et les merveilleuses audaces d'un futur tristanien. Splendeur qui a diffusé sur tout le spectacle tant l'oreille a été constamment à la fête avec un orchestre de rêve. Force dramatique, engagement passionnel dans le grande scène avec Vénus, mais également subtilités de l'écriture osée de Wagner ont été mis en valeur. Les colleurs venimeuses ou tendres de l#orchestre ont irisé l'espace et rendu aux personnages leur force de vie.
Romantisme ne rime pas avec fouillis et la subtilité de la direction, la parfaite analyse des styles, l'humilité devant le respect des nuances de la partition ont fait de cette représentation un moment de très fine musicalité même dans les scènes réputées de style pompier ou du moins fastueuses comme la fin de l'ace II. Le fossé entre la valeur expérimentale de la partition et l'archaïsme du livret n'a jamais été aussi évident, dynamisant l'écoute.
Hubert Stœklin
www.classiquenews.com · 25. Juni 2012
La fête de la musique

Et c’est un fait que ce Tannhäuser est une magnifique réussite musicale dont les forces toulousaines peuvent s’enorgueillir. Les chœurs, notablement renforcés, ont la cohésion, la subtilité et la puissance. Qu'il s'agisse de spatialisation, d’ardeur « patriotique » , de ferveur religieuse ou de colère grondante, ils distillent ou font retentir les effets superbement. L’orchestre donne dès l’ouverture la preuve de son engagement dans cette lice de longue haleine. Les instrumentistes éprouvent-ils, au fur et à mesure qu’ils s’immergent dans l’œuvre, l’ivresse que la musique communique à l’auditoire ? Probablement pas, car couleurs des bois, lyrisme des cordes, éclat des cuivres sont dosés avec une précision qui exclut tout abandon. Hartmut Haenchen, comme on l’a compris grand spécialiste de Wagner, commence un peu rapidement, semble-t-il, sans rien d’empesé ou de solennel, et puis sans que l’on sache comment il fait monter de la fosse un flux musical fascinant avec une science du crescendo et des diminutions, où les sons deviennent les sentiments et les émotions des personnages. La tension ne faiblira pas un instant, même au deuxième acte, où la forme mélodique à la Weber pourrait sembler fade après les éclats du Venusberg, mais dont l’ensemble final vibrant donne des frissons. Quand au dernier acte les montées tourbillonnantes deviennent maelström, le paroxysme sonore est contrôlé de manière impériale (récit de Tannhäuser) et l’ascension finale des cordes tire littéralement de son fauteuil.
Maurice Salles
www.forumopera.com · 25. Juni 2012
Tannhäuser à Bayreuth-sur-Garonne

Triomphe au Capitoleberg : l’opéra de Richard Wagner a ému la foule pour la deuxième représentation. Les yeux ont piqué à plusieurs reprises. Pas besoin de rejoindre la « colline sacrée ». Notre Rocher du Solutré, c’est le Théâtre du Capitole dont la réussite au niveau des productions wagnériennes ne se dément pas.
Si je titrai mon article précédent : « Tannhäuser ou Les pèlerins de l’impossible, l’ouvrage hors-normes, impossible à mettre en scène. », je m’incline devant le travail de Christian Rizzo qui a su s’effacer devant la musique tout en ne se faisant pas oublier, et pas nécessairement en faisant se balader sur le plateau, une pornostar en mal d’érection durant la Bacchanale. Dès les premiers accords de l’Ouverture, on sait qu’il va se passer quelque chose. Harmut Haenchen sera immense tout au long de la partition, menant son orchestre de main de maître et des musiciens au top dans une fosse digne, paraît-il, du sauna mal réglé.

Pareil pour les choristes dont les costumes tous improbables, et les coiffures et perruques à faire pâlir de rage toutes les “ladies“ de la Couronne d’Angleterre, se révèlent impressionnants de professionnalisme. Le courant émotionnel était bien au rendez-vous.

Mais il y a en plus sur le plateau une “bête de scène “ de l’art lyrique, Peter Seiffert, Tannhäuser tout au long de ces trois actes, un rôle surdimensionné, écrasant par la tessiture exigée, par le jeu de scène qu’il termine, semble-t-il, à peine éreinté. Peter Seiffert est TANNHAUSER.

Plus de détails dans un article à venir car il faudrait s’attarder sur Wolfram, Hermann, Vénus !!
Vous l’avez compris, wagnérophiles ou non, vous ne pouvez pas vous priver d’une telle réussite de l’ART VIVANT.

Un seul inconvénient, la scène capitolesque ne peut plus se passer, pour chaque saison, de son opéra wagnérien. Ca “tombe“ bien, 2012/13 ouvre avec Rienzi. Mais Haenchen dans Parsifal ? Le Vaisseau fantôme ? Lohengrin ? Les souvenirs sont si lointains !!
Michel Grialou
http://blog.culture31.com · 23. Juni 2012
Le chef allemand Hartmut Haenchen dirige l'Orchestre du Capitole et une distribution de haut niveau.
L' Indépendant · 22. Juni 2012
Un Tannhäuser de musique

Entre japonisme et abstraction, la mise en scène trop sage du nouveau Tannhäuser du Capitole de Toulouse confié à Christian Rizzo fait qu’on retiendra la production avant tout pour ses forces musicales, et notamment la direction de Hartmut Haenchen, qui compense assez largement les carences théâtrales de la partie scénique.

Tannhäuser est une œuvre assez dense pour pouvoir se prêter aux lectures les plus radicales. Dès le lever du rideau, au moment de la bacchanale, il est aisé de prévoir dans quel sens ira la mise en scène : grand spectacle jouant à fond sur l’opposition entre la chair et l’esprit, interrogation sur les tourments de la création artistique, fable médiévale soigneusement enluminée ou récit intemporel, d’une actualité toujours aussi brûlante ?

Dans la nouvelle production que propose le Théâtre du Capitole, en partenariat avec le Centre de développement chorégraphique de Toulouse-Midi Pyrénées, les premières images surprennent par leur sagesse et leur dépouillement extrêmes. L’on s’ennuie ferme au Venusberg, devant les évolutions de ces quelques danseurs qui se frôlent ou se basculent sans une once de sensualité.

Sous une lumière blafarde, dans un décor abstrait, ils se livrent à de savants exercices gymniques mais ne laissent rien transpirer d’une quelconque ivresse charnelle. Intimidé peut-être par l’ampleur de la tâche qui s’offrait à lui, Christian Rizzo ne change pas de cap durant les trois longs actes qui vont suivre ; il assure une sorte de service minimum, en se refusant, comme il le déclare lui même dans le programme de salle, de « saturer le visuel ».

On reconnaît l’habileté du plasticien à sa façon de gérer avec la même géométrie rigoureuse les déplacements des chœurs ou les faibles mouvements des protagonistes. Si l’on excepte les accoutrements farfelus des spectateurs du tournoi de la Wartburg, ainsi que les tenues provocantes de Vénus – au dernier acte en particulier, lorsqu’elle nous apparaît telle une icône symboliste maléfique –, tout ce que l’on voit sur scène appartient à un monde froid et sombre, dont se détachent à de rares moments (départ des pèlerins, scène finale) quelques petites loupiotes clignotantes. Lueurs fragiles de la rédemption ?

C’est donc à d’infimes détails (cette trace de rouge par exemple qui s’attache au souvenir de Vénus), à quelques trouvailles plastiques composées avec goût, qu’il faut deviner où se situe l’originalité artistique de Christian Rizzo et de ses principaux collaborateurs. Est-ce suffisant pour ajouter à la musique de Wagner une dimension théâtrale forte ?

Cette force, elle émane toujours de l’orchestre, dirigé avec autant de fougue que de précision par Hartmut Haenchen. En choisissant la version la plus complète de l’ouvrage, celle préparée pour l’Opéra de Vienne en 1875, le chef allemand dispose d’un effectif de plus de cent-vingt musiciens, dont il obtient une prestation d’une rare cohérence, capable de restituer idéalement les climats tourmentés du drame.

Un même souffle passionné et une même richesse de nuances se retrouvent chez les Chœurs du Capitole (renforcés eux aussi), qu’une fois encore Alfonso Caiani maintient à leur plus haut niveau.

Le plateau des solistes est à l’avenant, solide et homogène à la fois. Autant de grandes voix puissantes et franches, à commencer par celle de Peter Seiffert, qui dote le rôle-titre d’une énergie à toute épreuve. Pour l’avoir interprété déjà sur bien des scènes, ce vaillant ténor en connaît tous les secrets. Regrettons pourtant que sa présence massive et son jeu plus que limité constituent un handicap évident pour la respiration générale de la mise en scène.

Plus mobile et surtout nettement plus subtil dans son chant (sublime Romance à l’étoile), Lucas Meachem est un Wolfram noble et chaleureux, proche de l’idéal. Excellents également, le Landgrave (Christof Fischesser) et les quatre autres troubadours (Maxim Paster, Andreas Bauer, Paul Kaufmann, Richard Wiegold).

Sans démériter pour autant, les deux principales interprètes féminines apparaissent d’un niveau sensiblement inférieur. Petra Maria Schnitzer a la fermeté de ton et au besoin la grande puissance vocale que requiert le rôle d’Elisabeth. Il lui manque la luminosité, la grâce et surtout cette impression de sublime qui doivent aussi porter la marque du ciel.

Dans une tessiture un rien trop large pour ses moyens naturels, Jeanne-Michèle Charbonnet incarne une Vénus plus véhémente que sensuelle, impressionnante néanmoins par sa haute tenue dramatique. Avec une exquise fraîcheur, Anna Schoeck apporte dans cet ensemble bien sombre la note claire qui accompagne la brève intervention du Pâtre.
Pierre CADARS
www.altamusica.com · 20. Juni 2012
Somptueuse clôture de saison

Une telle cathédrale lyrique nécessite un maître d’œuvre hors pair. Ce sera le chef allemand Hartmut Haenchen. Même si son gigantesque répertoire va de Telemann au cœur de la création lyrique du milieu du siècle dernier, les œuvres de Wagner et de Strauss demeurent son quotidien, un quotidien pour lequel il est appelé dans le monde entier. Le Capitole a eu l’honneur de l’accueillir une fois, en avril 2010, c’était à la Halle aux grains pour une reprise d’Elektra qui est restée, en grand partie grâce à sa direction, comme l’un des sommets de cette saison.
En résumé, un Tannhäuser à ne manquer sous aucun prétexte !
Robert Pénavayre
www.classictoulouse.com · 20. Juni 2012
Monter la version de Vienne (1875) de Tannhäuser avec son orchestration pléthorique dans le cadre intimiste du Théâtre du Capitole était un défi périlleux. Rendre justice à la magnificence sonore de la partition en évitant d’écraser l’espace sonore est une gageure, et la direction enthousiaste de Harmut Haenchen n’a pas évité l’écueil d’une saturation parfois déséquilibrante, même si l’Orchestre national du Capitole, augmenté de nombreux supplémentaires et disposé en une spatialisation intéressante, a laissé poindre de beaux moments : l’ouverture et ses cors ainsi que les moments chambristes furent les plus appréciables. Même pari avec les chœurs, que l’ouvrage soumet à rude épreuve tant dans la justesse que dans la mise en place ou l’énergie : le Chœur du Capitole s’engage à plein, sans échapper pourtant à quelques défaillances de hauteur (les hommes) ou de soutien (les sopranos).

Du côté des protagonistes – tous issus d’une longue expérience wagnérienne internationale donc promettant beaucoup sur le papier –, le plateau vocal semble partagé en deux univers qui recoupent fortuitement le Venusberg et la Wartburg. Au premier acte, la Vénus de Jeanne-Michèle Charbonnet déçoit en raison d’un vibrato très envahissant et d’une permanente tension expressive qui oublie nuances et séduction du personnage. Avec le Tannhäuser de Peter Seiffert semblant lui aussi au bord de ses limites sans pour autant se ménager, le dilemme de leur séparation sonne bien plus comme une scène de ménage à décibels que comme un dialogue passionné entre désirs divins et aspirations humaines. Il faut dire que le costume de Vénus ajoute à la trivialité de leurs échanges, sa choucroute décoiffée et ses ongles fluo renforçant un aspect « mégère » fort malvenu.

Au second acte, c’est – enfin – l’irruption de la musique, de la nuance, de la magie wagnérienne donc. Belle Elisabeth de Petra Maria Schnitzer, délicate et émouvante ; digne Hermann de Christof Fischesser, même si l’apparence reste un peu jeune pour le Landgrave ; superbe Wolfram de Lucas Meachem, à la rondeur et au lyrisme réconfortants. Il fait aussi, en partie, le prix du IIIe acte, où l’exacerbation jusqu’au-boutiste de Peter Seiffert trouve alors sa pleine justification dramatique, et parvient désormais à impressionner et toucher.

Signée du chorégraphe Christian Rizzo, la mise en scène dévoile sans surprise sa singularité dans la Bacchanale, dansée sur un mode organique par des corps fusionnels – dégageant néanmoins plus de paix et de tendresse que de volupté ou d’excitation. Le paradoxe n’en rend pas moins la proposition chorégraphique intéressante, même si son retour à l’acte III est trop discret pour marquer vraiment. La scénographie, d’une sobriété extrême, repose sur des choix à la fadeur étonnante car commune aux « deux mondes » traversés par le héros : une architecture froide de paroi minérale au Venusberg et de palais de marbre verdâtre à la Wartburg, des éclairages diffus (que les représentations suivantes synchroniseront sans doute mieux avec les déplacements de personnages) voire glauques. Sa neutralité pourrait être l’écrin d’une direction d’acteurs aiguisée mais Christian Rizzo n’offre pas de vraie intériorité à des poses souvent stéréotypées. A l’extrême opposé se situent les costumes de Michaela Bürger, certes foisonnants et inventifs (entre heroic fantasy et grunge hype, néo-japonisme et superpositions) mais confinant au défilé de mode ; si la note de programme met en avant la volonté d’engoncer l’assemblée de la Wartburg dans des contraintes vestimentaires signifiantes, l’effet produit est tout autre – déconcentration du regard et sentiment de fantaisie débridée ! La production ne convainc donc pas, l’exécution musicale ne séduit que par moments, mais il reste un challenge audacieux que le public toulousain reçoit avec chaleur.
Chantal Cazaux
L'Avant-Scène Opéra · 20. Juni 2012