Kammerorchester

http://leducation-musicale.com, 02. Mai 2012
L'Orchestre de chambre Carl Philipp Emanuel Bach, dirigé par son chef titulaire, Hartmut Haenchen, donnait, le même week-end, un intéressant concert baroque, consacré pour l'essentiel à des compositions de Gluck. La Symphonie dite « Weimar », dont on fêtait la première exécution berlinoise moderne, pour avoir été seulement redécouverte, en 2005, dans les rayons de la bibliothèque du château de Weimar, est écrite pour deux flûtes, hautbois, cors, cordes & basse continue. Elle se caractérise par un ton vif, dont un allegro introductif énergique et un final tout aussi décidé. L'andante, dont le chant est emmené par les deux flûtes obligées, rappelle combien le chevalier Gluck était formaté par l'univers du théâtre et ses sentiments exacerbés. De l'opéra Orfeo précisément, Harmut Haenchen choisit un bouquet de pièces dansées, le « ballet des Ombres », puis le Menuet, l'Air vif et la belle Chaconne, cette dernière bien articulée, nantie de crescendos à l'effet saisissant, sans pour autant perdre son charme sensuel. « L'air de Furie » est entre les mains du chef un régal de sens dramatique, lui qui connaît bien cet univers de l'opéra. La sonorité du l'orchestre, malgré ses modestes dimensions, mais eu égard à la présence acoustique de cette réplique, en plus restreint, de la Philharmonie, est ample et chaude. De l'opéra Alceste étaient jouées l'Ouverture et deux Pantomimes, abordées grande manière, ce que les cuivres relèvent péremptoirement. La Symphonie « hambourgeoise » de Carl Philipp Emanuel Bach, Wq 183/2, montre une science de la modulation remarquable pour l'époque et une invention thématique tout aussi intéressante dans ses trois mouvements enchaînés, vif-lent-vif. Là encore, les bois sont par deux, flûtes, hautbois & bassons, et les cors enrichissent singulièrement la palette harmonique. Celui qu'on nomma le Bach de Berlin, puis de Hambourg, ville où il se libère définitivement de carcans sévères, imposés plus par la cour de Frédéric II que par la fidélité au Cantor, affirme un style très personnel et une maîtrise technique atteignant son zénith dans cette dernière période créatrice. La symphonie livre un concertino des bois, menés par les flûtes, et un mélange de combinaisons instrumentales aussi originales que variées, en tout cas fort osées. Le schéma de la symphonie concertante baroque semble revivre, mais avec une aura nouvelle et une recherche dramatique certaine. La défection de dernière heure de la soprano Catherine Naglestad, qui devait interpréter des airs de Gluck, entraîna une modification de programme. L'exécution du Concerto de violon K. 219, n°5 de Mozart fit office de remplacement : la jeune violoniste américaine Tai Murray en donne une interprétation impeccable, sans arrière-pensée, alors que les tempi adoptés par Haenchen, plutôt allants, sont dépourvus de recherche introspective. Tout le contraire de la vision profondément puisée de l'intérieur, proposée par Isabelle Faust et Claudio Abbado, quelques jours plus tôt, à Lucerne.
Jean-Pierre Robert.