http://classiqueinfo.com, 16. September 2009
Ce concert du dimanche soir au Palais des Beaux Arts de Bruxelles marque à la fois le début de la saison de la Monnaie, fait partie de la programmation du Klara Festival, et donne le coup d’envoi du cycle Mahler réparti entre les principaux orchestres belges, qui s’étalera sur deux années, et qui verra déjà cet automne se succéder l’Orchestre National de Belgique pour la Symphonie n°5 et l’Orchestre Philharmonique de Liège pour la Première.
C’est donc l’Orchestre symphonique de la Monnaie qui inaugure le cycle avec la Symphonie n°6 dirigée par rien moins que Hartmut Haenchen, un véritable spécialiste de ce répertoire, qui a dirigé une intégrale lorsqu’il était à la tête du Philharmonique des Pays-Bas, et dont la discographie comporte quelques beaux enregistrements mahlériens, dont cette même Symphonie tragique.
Haenchen dirige cette symphonie en expert, et en propose une version très équilibrée, parfaitement lisible, et d’une construction très aboutie. Il serait injuste et réducteur de la qualifier de « version du juste milieu », car le chef n’élude aucun des conflits de la partition, et n’est pas avare de ses efforts pour traduire la hargne et l’effroi que peuvent susciter les mouvements extrêmes ; néanmoins, il ne sombre jamais dans l’excès de bruit ou de fureur, et préserve toujours la clarté du discours orchestral et l’équilibre émotionnel. Ainsi, le premier mouvement est mené avec une très grande sûreté, à une allure raisonnable mais décidée, et est un mélange judicieux entre la puissance résolue de la redoutable marche et l’exaltation déchirante des épisodes lyriques. A rebours de la mode, le chef replace le Scherzo en deuxième position. Il en détaille tous les épisodes avec minutie, et y manie une ironie assez distanciée et raffinée (quel savoureux trio), plutôt que les ricanement plus rudes et acerbes qu’on y entend souvent. L’Andante moderato restera comme le sommet émotionnel de cette interprétation, grâce à la rigoureuse sobriété du chef, qui y évite tout épanchement et tout excès de sentimentalisme, et met en relief son chaleureux lyrisme grâce à la continuité du chant, et la simplicité toute classique de sa direction. Enfin, on ressort pantelant du tumultueux finale, que le chef mène sans faiblir à sa spectaculaire conclusion.
Formation de fosse, l’Orchestre de la Monnaie a cependant une saison symphonique assez conséquente, et possède même une expérience mahlérienne non négligeable, ayant joué presque toutes les symphonies au cours de la dernière décennie. Malgré ces références, on est néanmoins surpris par la belle qualité de cet orchestre, qui fait preuve d’un engagement tout à fait admirable, fait entendre de très beaux tuttis, et se montre remarquablement cohérent. L’équilibre entre les pupitres n’est pas toujours très sûr, et on déplore des bois peu inspirés, trop saillants et pas toujours justes dans le premier mouvement, qui se font concurrence plus qu’ils ne dialoguent dans l’Andante. Les autres pupitres sont en revanche très en verve, avec des violons puissants et chantants, des cuivres robustes, un cor solo irrégulier, mais qui produit quelques passages superbes.
Galvanisé par le chef, avec lequel il a visiblement eu beaucoup de plaisir à travailler, l’Orchestre symphonique de la Monnaie s’est surpassé, et peut légitimement être très fier de sa prestation. On le retrouvera dans ce cycle Mahler en février prochain pour le Chant de la terre, une nouvelle fois sous la direction de Hartmut Haenchen, un rendez-vous qu’on sen voudrait de manquer !
Richard Letawe