Sinfoniekonzerte

www.concertonet.com, 20. Februar 2011
La veille de la dernière représentation de Parsifal, Hartmut Haenchen dirige l’Orchestre symphonique de la Monnaie dans une Salle Henry Le Bœuf pleine à craquer. Egalement à l’affiche mercredi dernier, ce concert s’inscrit dans le vaste cycle que le Bozar consacre à Mahler depuis la saison passée, double anniversaire oblige. Concentré sur les jeunes années du compositeur, le programme se distingue par sa générosité, sa cohérence et son originalité. La première partie paraît familière puisqu’elle débute par Todtenfeier (1888), poème symphonique contemporain de la Première Symphonie et qui allait devenir, moyennant quelques adaptations, le premier mouvement de la Deuxième. D’emblée, l’orchestre affiche des couleurs variées et une transparence élevée, ce qui permet d’apprécier des bois de belle tenue qui s’unissent à des cordes idéalement sèches (mesures initiales) et régulières.

Suivent cinq extraits du Knaben Wunderhorn (1888-1901) pour lesquels arrivent sur scène Gabriele Fontana, l’alto Birgit Remmert ainsi que Thomas Johannes Mayer, l’interprète d’Amfortas à la Monnaie. Dans «Verlor’ne Müh’» (1892), ce dernier s’engage avec la soprano dans un numéro relevant de l’opérette, sans doute pour illustrer la fibre comique de ce lied, mais tous deux déploient un chant de haut niveau. Conclusion de la Quatrième Symphonie, «Das himmlische Leben» (1892) nécessite un timbre souriant, pacifié et candide tel celui de Gabriele Fontana. Après un «Das irdische Leben» (1892-1893) dramatisé sans outrance, Birgit Remmert émeut dans «Urlicht» (1893, repris dans la Deuxième Symphonie) tandis que Thomas Johannes Mayer chante avec désespoir «Der Tambourg’sell» (1901), cette autre marche funèbre cruellement fermée par le tambour. Se parant de couleurs tantôt pastorales, tantôt grises, les musiciens personnifient leur voix au mieux pour caractériser ces pages au registre changeant.

Selon le programme de salle, Das klagende Lied (1878-1880) n’aurait jamais été exécuté auparavant en Belgique, aussi cette soirée revêt-elle une importance historique. Le compositeur signe le texte à dix-sept ans et conçoit la musique deux ans plus tard, en proie à des tourments amoureux. L’ouvrage de taille déjà considérable mobilise des moyens conséquents puisqu’à un orchestre fourni s’ajoutent un chœur mixte, pas moins de douze solistes – du moins dans cette production, certains, distribués dans Parsifal, rejoignant les choristes – ainsi que des instrumentistes en coulisse qui suivent la battue du chef au moyen d’une petite caméra. Deux enfants, membres des Petits Chanteurs de la Chorakademie de Dortmund, complètent idéalement la distribution : à l’un des deux revient la responsabilité d’entonner l’ultime «Ach Leide» avant que l’orchestre ne conclue fortissimo par un bref accord. La version retenue est l’originale qui comporte trois parties, le première, «Waldmärchen», ne figurant pas dans celle de 1899 considérée comme définitive. Si l’écriture révèle l’influence de Mendelssohn, Wagner et Liszt, elle traduit déjà l’univers sonore et psychologique de son auteur, en particulier cette alternance entre tragique et trivialité. Hartmut Haenchen souligne avec raison la dimension «opératique» de la partition que Mahler remanie quelque peu dès 1893. Celle-ci comporte en outre de formidables parties chorales dont s’emparent avec engagement et attention les Chœurs de la Monnaie, préparés par Winfried Maczewski, que viennent renforcer les Chœurs de l’Union européenne. L’orchestre rend justice à la poésie ainsi qu’à la richesse des timbres exigée par cette œuvre belle, épique et puissante qu’il est formidable d’entendre enfin au Bozar.
Sébastien Foucart