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www.amazon.fr, 28. April 2014
5 Sterne
Grande réussite

Ce disque peut se trouver aussi dans un coffret avec 5 autres, chacun contenant 3 symphonies Les symphonies avec titres. A propos de l'ensemble, j'ai écrit "Il semble que le souci d'exactitude se soit durci en prudence compassée, que la froideur domine, que la rudesse optimiste du tempérament de Haydn soit négligée, que les phrasés ne vivent pas, que les élans soient sans cesse coupés." Mais ces critiques ne valent guère pour ce disque, comme si le cérébral Hartmut Haenchen avait été inspiré par des symphonies dont le surnom faisait référence à l'activité intellectuelle ("Le Philosophe", "Le Maître d'Ecole") ou à une idée abstraite ("Tempora mutantur") avec éventuellement un caractère intime (64, "Tempora mutantur").

La 22e, "Le Philosophe", avait triomphé lors d'une Tribune des Critiques de Disques (avec un nom d'émission éventuellement différent), mais c'est parce que les participants avaient considéré que dans celle, géniale, de Salonen, l'Adagio introductif avait été joué comme un Andante par le chef finlandais. En réalité, l'indication Adagio du premier mouvement est embarrassante : pris lentement, ce mouvement ne fonctionne pas. Haenchen le prend tout de même assez vite, à la limite, mais sans trop mécontenter les plus doctrinaires. Il donne à son interprétation beaucoup de légèreté et on entend des traits acérés et gracieux inconnus des chefs d'autrefois (malgré les instruments modernes, les choix de Hartmut Haenchen sont d'esprit baroqueux). Le Presto suivant est presque aussi saisissant que celui de Salonen. On peut regretter un manque de staccato, de vigueur rythmique, dans le menuet, même si la reprise après le trio corrige un peu le tir (les reprises sont rarement jouées à l'identique avec Haenchen). Quant au Finale, un petit peu moins léger que celui de Salonen, avec le choix de davantage de puissance, il bénéficie d'une parfaite construction d'ensemble et de détail.

La 55 est légère, rapide, avec une remarquable maîtrise du rythme. Le premier mouvement, peu coloré, tire vers l'austérité. Dans l' "Adagio. Ma semplicemente", le difficile est évidemment le semplicemente; or peu de versions le font ressentir, pas davantage Haenchen que bien d'autres (les fantaisies du clavecin continuo n'y contribuent guère). Le Menuetto bénéficie d'une grande réussite rythmique et de beaucoup de vie.

Enfin la 64e, "Tempora mutantur", d'humeur noire, dramatique et rageuse, ce qui est rare dans l'oeuvre de Haydn, est peut-être la plus grande réussite de Haenchen, dans un style grave, peu sensuel et peu coloré. La précision de la lecture du premier mouvement maintient l'intérêt, ce qui n'est pas toujours le cas avec ce chef. Haenchen exalte son caractère anxieux et introverti. Il donne beaucoup de personnalité au Largo, en exprimant sa gravité sans traîner (est-ce un Largo ? même problème que pour l'Adagio de la 22). Il rend toute justice au rythme sautillant et quelque peu revêche du Menuetto et fait contraster heureusement le Trio sans le rendre rassurant. Malgré la légèreté, la sévérité véhémente du Presto final est maintenue jusqu'à la fin.
Pèire Cotó