www.concerto.net, 13. November 2014
... compte tenu de l’effectif et de la sonorité, l’Orchestre de la Monnaie n’adoptant pas les pratiques des formations qui recourent aux instruments d’époque. Néanmoins,
les tempi demeurent serrés et les contrastes dynamiques vigoureusement marqués, ce qui permet à la musique de progresser telle une lame de fond. L’exécution, concentrée, nette et sans bavure, se signale en outre par sa lisibilité, le chef veillant à dégager les voix intermédiaires. Les musiciens témoignent de beaucoup de discipline, en particulier les cordes, soudées, et les cuivres, surtout les trombones, précis et éloquents.
Les trombones ont justement tout le loisir de s’exprimer, comme, du reste, les cors et les trompettes, dans la Huitième de Chostakovitch, créée durant l’année de naissance du chef. Le niveau instrumental reste identique à celui atteint en première partie: cuivres parfaitement à l’unisson, bois exacts et expressifs, notamment le cor anglais et le basson, cordes souples et unies, percussions d’une impeccable force de frappe. A défaut de susciter une suffocante émotion,
le chef confère à cette grande heure de musique, d’inspiration parfois inégale, une dimension épique, puissamment évocatrice et
grandiose par moments.
Sébastien Foucart
Ganze Rezensionwww.concerto.net, 20. Mai 2010
Bien qu’âgé de 67 ans, Hartmut Haenchen n’a été que récemment découvert en France, notamment en raison d’un début de carrière accompli de l’autre côté du «rideau de fer». Directeur musical de l’Opéra des Pays-Bas de 1986 à 1999, il s’est d’abord fait connaître à Paris par ses prestations remarquées à Bastille et à Garnier dans Salomé, Capriccio, Parsifal, Lady Macbeth et Wozzeck. Mais il a également abordé le domaine symphonique, que ce soit avec l’Orchestre de l’Opéra en juin 2007 (voir ici) ou, remplaçant Mikko Franck, avec le Philharmonique de Radio France en juin 2009 (voir ici). En 2010, il poursuit sa prise de contact avec les formations de la capitale: avant de diriger le National le 9 décembre prochain au Théâtre des Champs-Elysées dans Un requiem allemand de Brahms, il est invité pour la première fois par l’Orchestre de Paris.
Il n’est jamais trop tard pour bien faire: alors que le cinquantenaire de la mort de Martinů (1890-1959) est passé quasiment inaperçu dans un pays qui l’accueillit pourtant durant près de 20 ans, son opéra Mirandolina sera présenté à plusieurs reprises fin juin à Bobigny par l’Atelier lyrique de l’Opéra national de Paris et, dès les 2 et 3 juin, Les Fresques de Piero della Francesca seront données par Paavo Järvi et l’Orchestre de Paris. En attendant cet important triptyque de son ultime période créatrice, la soirée s’ouvre sur une brève page antérieure, Mémorial pour Lidíce (1943). Minutieux, attentif aux équilibres et aux timbres, le chef allemand confère une grande solennité à cet hommage à l’Oradour tchèque, dont la population fut assassinée par les Nazis en juin 1942.
Si sa conclusion tend également vers une forme d’apaisement, le Concerto pour alto (1985) de Schnittke n’en est pas moins lui aussi dominé par les teintes sombres, cauchemar tantôt tragique, tantôt grotesque, évoluant au gré des collisions stylistiques typiques du compositeur. Fondée sur les notes résultant de la transcription selon le système allemand de six des lettres formant le nom de son dédicataire et créateur, Youri Bashmet, la partition se caractérise en outre par un instrumentarium original, excluant les violons mais requérant piano, clavecin et harpe ainsi qu’une importante section de percussions (six exécutants), notamment métalliques. Jouant presque sans cesse pendant un peu plus d’une demi-heure émaillée de nombreuses cadences, Tabea Zimmermann (née 1966) se montre la digne héritière de son aîné russe: une performance impressionnante tant par la qualité de son phrasé que par sa puissance ou sa sonorité, magnifique sur toute la tessiture de l’instrument. L’altiste allemande trouve encore l’énergie d’offrir en bis une adaptation de l’Andante de la Deuxième sonate pour violon de Bach.
La seconde partie de ce court programme est entièrement consacrée à la Cinquième symphonie (1808) de Beethoven – Martinů en citait dans son Mémorial les quatre premières notes, dont le rythme (trois brèves et une longue) correspond au code morse de la lettre «V», initiale churchillienne de la victoire. Pour sa rencontre avec le plus historiquement beethovénien des ensembles de la capitale, Haenchen, à la tête d’un effectif devenu presque inhabituel de nos jours (60 cordes), joue certes la carte de la tradition et de la puissance, mais sans excès de monumentalisme: ainsi les points d’orgue du premier mouvement sont-ils à peine prolongés, à l’image d’une direction volontiers dramatique tout en demeurant attentive aux détails et aux différents pupitres – il est vrai qu’elle peut s’offrir le luxe d’être hédoniste grâce aux merveilleux bois de l’Orchestre de Paris.
Simon Corley